Explorer les frontières de la lisibilité dans le dessin de caractères
La typographie ou le dessin de caractères repose sur un équilibre subtil entre la forme et la fonction : la lisibilité. Lors de mes recherches, notamment dans le cadre de mon mémoire de DNSEP aux Beaux-Arts de Caen, je me suis particulièrement intéressée aux limites de la lisibilité dans le dessin de caractères, explorant les frontières où la lisibilité se transforme et laisse place à d’autres dimensions graphiques.
La lisibilité ne se réduit pas à une simple reconnaissance mécanique des lettres : c’est un processus qui combine lecture et regard. Le lecteur décode un texte, mais il observe aussi les formes, textures et rythmes visuels qui façonnent son expérience de lecture. Ces mécanismes physiologiques et cognitifs imposent des contraintes mais ouvrent aussi des potentialités plastiques au dessinateur de caractères.
À mesure que l’on s’éloigne des formes typographiques conventionnelles, que l’on altère la clarté des lettres par des choix esthétiques ou expérimentaux, la lisibilité diminue. Mais cette limite n’est pas une barrière stricte, plutôt une zone où apparait une tension entre fonctionnalité et expressivité. Des designers comme Herbert Lubalin, Ruslan Khazanov ou David Carson ont exploré ces zones frontières, cherchant à créer un “dialogue” entre ce qui se lit et ce qui se voit.
Cette recherche révèle que les procédés d’altération (déformations, ruptures de formes, superpositions) génèrent des “plasticités”, des qualités esthétiques qui enrichissent la perception graphique, tout en jouant avec la compréhension du texte. Ainsi, la lisibilité peut parfois ne plus être l’unique but : elle laisse la place à l’expérimentation et à la création, dans un équilibre toujours délicat.
Néanmoins, pour qu’un caractère reste efficace dans la communication, une certaine familiarité des formes est nécessaire : elles doivent rester identifiables sans freiner la lecture. C’est cette tension, entre innovation formelle et contraintes de lisibilité, qui nourrit la création typographique contemporaine et offre de nouvelles voies d’expression.En définitive, comprendre et questionner les limites de la lisibilité dans le dessin de caractères ouvre un champ passionnant où l’art graphique dialogue avec l’expérience humaine de la lecture, entre rigueur technique et liberté créative.
Ces recherches m'ont permis d’approcher la lisibilité à travers le prisme du dessin de caractères, en la décortiquant jusqu’à ses fondements. Comprendre les caractéristiques essentielles qui rendent un caractère plus lisible qu’un autre, c’est saisir comment la typographie interagit avec la physiologie humaine et les mécanismes de la lecture. Ce travail m'a ouvert des pistes précieuses pour identifier des alphabets fonctionnels et adaptés aux besoins réels des lecteurs.